31 Déc HR Giger – l’analyse de ses peintures
H.R Giger est surtout connu pour avoir créé les décors et les monstres d’Alien. Ce film a dévoilé son talent qui a été récompensé par un oscar et l’a fait connaitre mondialement.
Mais Giger est avant tout un grand peintre. C’est grâce à sa peinture qu’il a été choisi pour le film, et après celui-ci il a encore continué à peindre.
(Il a aussi fabriqué des statues et des objets fascinants).
Il a réussi a créé son propre univers : un univers biomécanique.
Ses peintures sont sombres, voire horribles, mais débordantes d’imagination.
Il a utilisé la peinture comme thérapie pour exorciser ses peurs, l’inspiration venant de ses cauchemars.
Il a développé un art complexe qui réunie les contraires :
– La chaleur de la chair côtoie la froideur de l’acier
– Le vivant est unifié au matériel
– L’horreur a une représentation esthétique
Mais comment faire un article sur un univers pictural si riche et si complexe ?
J’ai eu énormément de mal à écrire cet article. La tâche me semblait si ardue que j’ai même abandonné l’idée pendant un moment.
Mais ma fascination pour le travaille de Giger m’a motivé à reprendre.
Je me suis donc concentré sur certaines peintures que j’ai classées par thèmes sans idée de chronologie.
HR Giger et les Birth Machine
Birth machine
Le lien entre le titre et le tableau montre que la naissance est unifiée à la mort.
Les fœtus ne sont pas dans le ventre de leur mère prête à accoucher. Ils sont dans un pistolet prêts à être expulsés.
Je parle de fœtus, mais peut-on vraiment les nommer ainsi ?
Ils n’ont rien d’humain ni d’enfantin. Ce sont déjà des soldats équipés de fusils prêts à tuer.
La naissance sensée être la création de la vie devient la propagation de la mort.
Giger a supprimé toutes références aux vivants.
La chaleur du ventre maternelle est remplacée par la froideur de l’arme.
Les enfants ont la couleur froide de l’acier.
Ils sont immobiles, dans la même position et avec la même expression. Il n’y a donc ni personnalisation ni mouvement.
Ce sont des clones figés qui attendent leur tour.
Mais ils risquent d’attendre longtemps car personne n’est présent pour appuyer sur la détente et les libérer.
Le fond noir supprime toute contextualisation. Ils sont donc hors du temps et de l’espace et rien d’extérieur n’existe.
Attendez !!!
Un des enfants est chambré (il est dans le canon). Ce qui veut dire que quelqu’un a ramené la culasse à l’arrière puis l’a relâchée.
Donc quelqu’un a déjà agi sur l’arme !
Cette anomalie montre qu’il faut dépasser ce que nous voyons pour découvrir l’idée qui se cache derrière.
D’ailleurs que voyons-nous ?
Giger n’a pas représenté l’arme dans sa totalité. Il a préféré un cadrage serré qui met en évidence les bébés-soldats et le mécanisme du pistolet.
Ce cadrage comme le fond noir supprime toute idée d’extériorité.
On ne sait pas où ces enfants vont naître.
Une arme suggère une cible à détruire, ici on ne la connait pas.
Là on est concentré sur le présent, on se doute qu’au bout d’un moment les enfants seront expulsés mais on ne connait pas leur futur.
Ce tableau pose la question « est-il moral de faire des enfants ? »
Dans une des ses interviews Giger explique qu’il craint la surpopulation.
Si on poursuit cette idée, faire un enfant signifie diminuer les ressources de la terre. Donc pour combler ses besoins, d’autres personnes seront lésées.
Mais là il ne s’agit que d’un.
Si un couple décide d’avoir une multitude d’enfants sans réfléchir aux ressources ni aux autres, chaque accouchement sera un crime contre l’humanité.
La question de la moralité concerne aussi le futur de l’enfant.
Quand on en fait un, on ne connait pas son avenir.
Même si tous les parents espèrent que leur bébé devienne merveilleux, ils peuvent être des monstres.
Je suis sûr que les parents d’Hitler s’attendaient à avoir un ange.
Donc un enfant peut devenir un saint comme un meurtrier.
Birth machine II
Dans cette seconde version, biomécanique, l’arme est remplacée par l’organe masculin. Mais comme elle, il apport la mort.
HR Giger et le Passage
Dans les œuvres de Giger, un motif revient souvent : un carré qui comprend un cercle et une fente.
Ce motif vient d’un objet qu’il a trouvé et qu’il qualifie d’ « extraordinaire ». Il s’agit en fait de l’arrière d’une benne à ordure.
Cette forme est récurrente car Giger y voit de nombreuses significations :
« Il y a ce cercle, ce carré, et puis cette fente. C’est pour moi le symbole de beaucoup de choses. Ce pourrait être la naissance ou la mort, la porte de l’enfer ou de la mort n’est-ce pas. C’est l’antichambre des enfers. On dirait aussi une naissance parce que c’est assez vaginal. »
Même s’il parle de « porte des enfers », il emploie majoritairement ce motif pour évoquer le sexe féminin et ses peintures le représente parfois de manière explicite.
(Pour des raisons évidentes je ne mets pas d’image 🙂 )
Il y en a une qui a particulièrement retenu mon attention par la violence qu’elle exprime.
Au premier regard, on se dit « c’est juste du métal avec de la rouille ».
Mais comme je le disais, Giger emploie souvent ce motif pour représenter le sexe féminin.
Une fois qu’on a l’idée du vagin, ce n’est plus de la rouille qu’on voit, mais du sang.
La fente étant un trou, elle implique une idée d’entrée mais aussi de sortie. Ce tableau a donc 2 interprétations.
Ce sexe est sanguinolent. Les traces les plus fraîches sont au niveau de la fente et évoquent des plaies.
Si on suppose quelque chose qui rentre, ce tableau devient l’idée d’un viol d’une violence inouïe.
Si on suppose quelque chose qui sort, il s’agit d’un accouchement qui s’est transformé en massacre.
Concernant Giger, la bonne interprétation est surement celle-ci car il a été traumatisé par sa naissance :
« Je fais toujours ce même rêve. Je me retrouve les bras coincés dans une cheminée très étroite et loin devant moi j’aperçois une lumière, c’est la sortie. Et puis je vois ensuite un drôle d’objet. J’ai découvert qu’il pouvait s’agir de forceps. Ma mère m’a en effet raconté que j’avais mis toute une journée à sortir et elle ne m’a pas dit comment. Ce traumatisme de naissance est devenu un rêve récurrent et peindre des passages m’a permis de me libérer de cette horrible chose. »
Giger et la représentation de l’accouchement
Giger a peint de nombreux tableaux montrant des accouchements monstrueux.
Monstrueux a ici deux sens :
- Il désigne un monstre qui donne vie à un bébé monstre
- Il qualifie le processus de l’accouchement qui se rapproche d’une scène de torture.
Ces tableaux montrent encore le traumatisme qu’a connu lors de sa naissance.
Deathbirth Machine I
Pour une fois la femme a gardé un aspect humain.
Elle n’est pas biomécanique mais elle est victime de la machine.
Celle-ci l’immobilise. Enfin on peut se demander si elle ne l’écartèle pas plutôt car les os des jambes sont visibles et ils sont en train de se briser.
Plutôt que de laisser la femme sortir son bébé, la machine a inséré un épais tuyau et a extrait l’enfant avec une sorte d’étau métallique.
L’accouchement ressemble ici à une scène de torture.
On peut aussi s’interroger sur la signification du titre « deathbirth machine ».
Cela veut-il dire qu’elle accouche d’un enfant déjà mort ? Peut être.
L’enfant a les yeux et la bouche fermés. Il ne bouge pas. Son aspect est sombre. D’ailleurs il semble trop gros pour être un bébé qui vient de naître. Peut-être que les pics visibles de chaque côté de son cou l’ont déjà transpercé.
Mais cela peut aussi signifié que la femme est morte en donnant la vie.
Vu le processus d’accouchement ce ne serait pas étonnant.
Deathbirth Machine II
Ce tableau est encore plus violent que le précédent.
La femme-robot est assise sur un homme-squelette. Un bébé ayant le corps coincé dans un canon sort d’entre les jambes de sa mère.
Le canon peut représenter deux choses.
Vu la position des deux personnages de droite, il peut représenter le sexe de l’homme. La femme est donc fécondée par la mort dont le phallus est lui aussi porteur de mort.
Ce n’est pas un sexe que possède le squelette. C’est une arme qui sert à transpercer son amante et à expulser des enfants.
Mais ce canon avec une tête de bébé comme munition désigne aussi l’accouchement. Il est expédié du corps de sa mère.
D’ailleurs la femme a le pied calé sur un appareil rappelant une table gynécologique.
Ce qui signifie que le monstre en face d’elle, qui est un mélange d’humain, de serpents et de squelette est … la sage femme 🙂 .
Mais l’enfant nait dans un monde horrible.
Son premier cri est dû à la terreur. Il est terrifié par ce qui lui arrive et par l’être horrible vers lequel il est projeté. Et pour augmenter encore son effroi, la chose tire une langue monstrueuse pour le toucher avec.
Dans quelques instants il finira surement comme ceux en bas du tableau : déformé, pustuleux et mort.
Ces bébés morts semblent appartenir au monde souterrain. Un monde si horrible, que même les rats essayent d’y échapper quitte à se retrouver figé dans une position grotesque à l’intérieur d’un trou qui ne mène nulle part.
Giger a donc représenté deux scènes en une peinture : celui de la fécondation et celui de la naissance.
Mais ici tout a été inversé :
– L’acte d’amour est devenu une exécution.
– Le bonheur est remplacé par la terreur.
– La vie laisse place à la mort.
Deathbirth Machine III
Dans cette troisième version, la femme n’est plus qu’un objet servant à donner des naissances.
Tout son corps est coincé dans une machine. Elle a les jambes écartées et ses orifices sont visibles.
Encore une fois l’enfant est sorti du ventre par la machine, surement de façon douloureuse.
Je parle d’enfant, mais c’est plutôt une créature horrible probablement déjà morte.
Vu comment la femme est bloquée dans l’appareil, on peut se demander si elle n’était pas déjà comme ça au moment de l’acte.
La machine l’a bloquée dans cette position tandis qu’un homme d’une nouvelle espèce la fécondait.
Pourquoi d’une nouvelle espèce ? Parce que le bébé n’a rien d’humain et la machine évoque un monde futuriste.
On peut imaginer que les dernières femmes à l’apparence humaine sont devenues des captives qui servent à la reproduction.
Giger et la peinture érotique
Avant d’accoucher il faut procréer et ça Giger ne l’a pas oublié.
Certaines de ses œuvres représentent donc des actes sexuels.
Mais dans celles-ci, l’expression « faire l’amour » n’a pas sa place.
Cet acte est souvent fait par des monstres ce qui lui donne une connotation bestiale et horrible.
Certaines scènes se rapprochent même du viol.
Biomechanoid 75
Il s’agit d’une femme mi-humaine mi-robot qui utilise une bonbonne à oxygène pour pouvoir vivre dans ce monde biomécanique.
Vous n’êtes pas vraiment d’accord ? Comment ça je suis naïf ?
Bon ok, passons à l’interprétation version non-censurée.
Ce tableau a une forte connotation sexuelle. Deux attaches emprisonnent la femme à la bonbonne. Un de ses seins est dévoilé et par rapport à la façon dont elle est maintenue, elle est obligée de prendre en bouche le tuyau.
Cette femme-robot subie donc des sévices sexuels.
Déification XI
La femme à l’aspect futuriste se fait pénétrer non un mélange d’animal, de robot et de semblant d’humain.
La femme s’est habillée sensuellement pour l’occasion : elle porte un vêtement dévoilant ses seins par transparence et un porte-jarretelle.
Mais l’acte est bestial. La tête de cette chose qui entre dans la femme est monstrueuse et leur position est animalière.
Mais ce « coït » est pire que bestial, il est meurtrier.
Le phallus est devenu un pic qui empale la femme.
Le sexe est ici synonyme de mort et le sexe masculin sert à la répandre.
Erotomechanics V
Même les paysages deviennent des scènes pornographiques.
Au loin, le paysage semble être composé de montagnes en alliage métallique. Mais de près, la représentation est explicite.
L’acte sexuel prend quasiment toute la place et il est légèrement décalé du centre.
Le cadrage et le décentrage du décor obligent donc le spectateur à le regarder.
Et même l’arrière-plan a été réfléchi.
Les montagnes au font servent à 3 choses :
– Elles rappellent qu’il s’agit d’un paysage
– Elles mettent en valeur le premier plan
– Elles suggèrent que tout ce paysage est composé de décors sexualisés.
Giger présente donc un décor pornographique tout en respectant les règles esthétiques de la peinture (ou de la photo) de paysage.
Erotomechanics VI
Encore une fois le décor correspond à une photo pornographique. On comprend très vite qu’il s’agit d’un gros plan de pénétration.
Mais là, il s’agit d’un endroit horrible.
Nous sommes dans un tunnel, entre les deux parois métallique qui correspondent aux jambes de la femme biomécanique.
Depuis que nous sommes rentrés dans cet endroit, nous pataugeons dans cette eau dont nous ignorions la source.
Maintenant, nous connaissons sa provenance. Elle sort de ce trou horrible. De ce vagin rouillé qui s’écaille.
Et au-dessus de nous il y a cette masse sombre, remplie de cavités, qui apparaît comme une menace.
Par rapport à cette vue, nous sommes censés nous trouver dehors. Cependant la vue rapprochée fait oublier toute idée d’extériorité.
Giger a donc transformé un gros plan pornographique en endroit cauchemardesque.
Giger et la représentation des enfants
Une fois l’acte fait et l’accouchement fini on se retrouve avec … un enfant.
Et ceux-ci ne sont pas épargnés non plus.
Biomechanoid I n°252
La guerre nucléaire a été déclenchée et les conséquences sont désormais visibles.
Les enfants sont déformés, boursouflés et remplis de pustules. Ils en ont sur la peau et même dans le nez et la bouche.
Ce sont désormais des êtres immondes qui n’ont plus grand chose d’humain.
Les explosions ont déchiqueté la plus grande partie de leur corps. Malgré les avancées technologiques, ils n’ont pas reçu de bras ni de jambes biomécaniques.
A la place, on leur a greffé des armes. Ce sont désormais des enfants-armes.
Pire encore, ils n’ont retenu que les vices des adultes.
Il y en a un qui fume et surtout ils sont prêts à continuer la guerre alors qu’ils en ont été les premières victimes.
Giger et la représentation de la femme
Dans une interview Giger avoue qu’il aime les femmes mais qu’elles lui font peur et ça se ressent dans sa peinture.
I’m nets
La femme a un visage calme, serein. On dirait qu’elle est en pleine méditation, à l’image de Bouddha. Elle apparaît donc comme une sorte de divinité. Mais des éléments inquiétants l’entourent.
Il y a d’abord cette toile d’araignée autour de sa tête. En plus une chose est prise dans ses fils. En zoomant on se rend compte qu’il s’agit d’une sorte de super héros. Avec ses habits noirs, son bandeau noir sur les yeux et sa cape noir, il me fait penser à Zoro. Une fois dans sa toile il ne peut plus rien faire, il est à sa merci.
Il y a ensuite cette main. Avec ses doigts longs et ses ongles on dirait la main d’une sorcière. Elle est dirigée vers l’homme masqué. Elle vient peut-être de lui jeter un sort.
La femme est donc à la fois une déesse et une sorcière.
Ce tableau signifie peut-être que la femme peut facilement avoir l’air d’une jolie femme en détresse. Le super-héros vient donc la secourir. Mais finalement c’est elle qui détient le vrai pouvoir.
Sorcière
La sorcière a une représentation moderne.
La femme vieille et moche est remplacée par une pin-up. Elle est jeune, jolie, dénudée et dans une position sensuelle.
Il s’agit donc d’une belle sorcière mais qui est dangereuse par ses charmes. Charme vient d’ailleurs de carmen qui signifie chant en latin. Mais ce mot désigne aussi une incantation, un sort, lorsqu’il est lié à la sorcellerie. Sa beauté est aussi son arme.
Elle va bientôt s’envoler, mais là son balai a été remplacé par un aspirateur. Le côté mécanique cher à Giger est donc intégré à l’œuvre avec humour.
Supermarché
Il s’agit de femmes qui font du shopping mais les vêtements ont été remplacés par ces créatures.
Elles ont une position recroquevillée et tiennent des armes. Elles rappellent les fœtus représentés dans Birth Machine.
Elles sont donc en train de choisir l’être qu’elles mettront au monde.
Le premier affiche un air effrayé et tient son arme contre lui le canon vers le haut.
Le second tient une arme imposante qu’il maintient devant lui, il est déjà prêt à faire feu, et il sourit.
Le dernier n’a pas d’arme et à la tête renversée. Il est déjà mort.
Les trois créatures sont alignées sur un mécanisme étrange. On dirait qu’elles sont présentées sur un tapis roulant et que les acheteuses ont juste à choisir.
Ces êtres apparaissent donc comme des objets.
Elles se sont presque décidées, leur choix va se porter sur le plus vigoureux, c’est-à-dire celui du milieu.
La taille minuscule des créatures par rapport à celle des femmes confirme qu’il s’agit d’êtres en bas âge.
Les femmes sont ici toutes puissantes. Comme des déesses elles choisissent qui doit vivre et qui doit mourir et elles décident du futur de ces êtres.
Elles me font penser aux 3 parques.
La Fiancée de Satan
La femme est montrée de dos portant une tenue sexy : un corset, un string, des chaussures à talon.
Elle est accroupie devant un Satan représenté sous sa forme animale.
Elle parait lui être soumise puisque des lanières la rattachent à la Bête.
Mais en regardant de plus près on se rend compte que c’est elle qui domine :
– Sa position fait qu’elle le surplombe.
– Elle a réussi à immobiliser sa queue.
– Ses lanières sont attachées aux pattes de Satan ce qui fait qu’il se retrouve dans une position ridicule, dans laquelle il ne peut pas bouger.
La fiancée de Satan est donc une femme sensuelle qui domine même le diable.
Carmen I
Comme le titre l’indique, le tableau fait référence à Carmen qui est la compagne de Giger à partir de 1996 et sa femme à partir de 2005.
Giger a seulement représenté la tête de la femme et en a fait l’objet principal du tableau.
A première vue, la femme a encore été représentée comme un monstre.
Des tuyaux sortent du côté de sa tête pour former une main abominable qui se pose sur sa tête.
Mais je pense plutôt que cette main correspond à la version biomécanique des cheveux de la jeune femme.
La chevelure apparaît donc comme un attribut féminin, mais elle est intégrée à l’univers de l’artiste et sert à donner un aspect inquiétant au personnage.
Cette main est monstrueuse, elle possède une multitude de doigts qui se terminent tous par un ongle acéré. Mais les doigts les plus terrifiants sont ceux dont on voit seulement l’ombre en haut du tableau. C’est une menace que partiellement identifiée qui peut frapper à tout moment.
Cette chevelure biomécanique renforce le côté terrifiant de la femme.
Mais l’expression du visage contraste avec ses cheveux.
Elle a l’air calme et sereine.
L’absence de douleur montre d’ailleurs que son aspect n’est pas dû à un acte de torture ni à une quelconque expérience.
Son visage est rempli de lumière. C’est même lui qui la produit et qui la répand sur tout le tableau.
Cette lumière qui l’entoure et qui illumine ce qui l’environne l’apparente à un personnage divin.
D’ailleurs elle ne nous regarde pas alors que nous sommes face à elle.
La lumière qui sort de ses yeux semble indiquer qu’elle a une vision. Si elle est face à nous, son esprit est dans un lieu qui nous est inaccessible.
La lumière qui émane de son visage fait donc penser que la femme est une déesse.
Mais si la lumière est présente sur son visage, elle n’y est pas sur toute sa tête. En effet, une partie de sa chevelure est dans l’ombre.
Dans ce tableau Carmen rassemble donc toutes les contradictions présentes dans la peinture de l’artiste :
– L’organique et le métallique
– La beauté et l’horreur
– L’humain et le divin
En réunissant tous ces éléments, on comprend que la femme sert de figure divine dans l’univers biomécanique de Giger mais c’est une divinité terrible.
Death n°348
Dans ce tableau, la femme est présente à toutes les étapes de la mort.
D’abord le personnage mort est une femme.
Elle est dans son lit puisqu’on voit encore le coussin et les draps.
L’arc formé par les têtes de la femme suggère que l’esprit quitte son corps et qu’il reprend vie au fur et à mesure du voyage.
Au début son visage a les yeux clos et la bouche ouverte mais sans expression. A la fin elle a les yeux écarquillés et la bouche ouverte mais stupéfaite.
Elle a peut-être peur de ce qui lui arrive, ou alors elle est ébahie.
La femme est donc entrain de retrouver la vie dans l’au-delà.
Là, il n’y a pas de faucheuse mais une créature étrange qui m’a immédiatement fait penser au sphinx.
Il peut donc s’agir de la vision mort-vivant de cette créature mythologique.
C’est possible car le sphinx était un monstre à l’apparence féminine et il symbolise le mystère, et quel plus grand mystère que celui de la mort.
Puis, si on ne sait si le monstre retire ou remet le drap, je pencherais pour la deuxième proposition.
Le sphinx devient l’image de la femme-monstre qui guide les âmes des défunts.
Enfin il y a la troisième femme.
Son apparence éthérée évoque une divinité et elle est assise sur le sphinx ce qui montre qu’elle surpasse la mort.
Dans sa main elle fait apparaître une boule de lumière, ce qui prouve qu’elle est dotée de pouvoir.
La boule lumineuse peut représenter la vie dans l’au-delà ou peut-être la connaissance.
Mais j’ai une deuxième idée.
En fait, c’est peut-être le sphinx qui fait apparaître la lumière. Le bout de sa queue touche le centre lumineux de la boule. La lumière servirait à guider les âmes vers le chemin de l’au-delà. Ce serait la lumière dont parlent ceux qui ont échappé à la mort.
La dernière femme serait donc une déesse qui tend simplement la main pour accueillir l’esprit et lui faire découvrir ce nouveau monde.
La femme est donc au centre des 3 actions du tableau et de toutes les étapes de la mort.
Li I
Comment parler du rapport entre Giger et les femmes sans parler des peintures représentant Li ?
Li Tobler est la première femme de Giger. Elle a eu plusieurs phases de dépression et a fini par se suicider avec une des armes à feu de Giger.
Giger a peint ce tableau après la première dépression de sa femme.
(Apparemment lorsque sa femme a vu le tableau, elle l’aurait trouvé tellement horrible qu’elle l’a détruit. Giger l’a ensuite minutieusement réparé. Je ne sais pas si c’est vrai ou non.
Mais je pense que si j’avais des problèmes psychologiques et si je tombais sur une telle représentation de moi, je le prendrai un peu mal.)
L’arrière plan montre qu’elle n’appartient pas à notre monde. Il apporte aussi de la profondeur pour mettre la femme en valeur.
On peut se demander ce que sont les masses blanches. Est-ce un paysage extraterrestre ? Est-ce des œufs de créatures ?
Si ce sont des œufs, ce sont peut-être les siens. Elle serait alors la mère d’une nouvelle espèce.
Mais ces formes font aussi penser à des cerveaux.
Il s’agit peut-être d’une divinité infernale qui récolte les cerveaux des morts.
La femme possède encore des traits humains mais elle est majoritairement recouverte d’éléments monstrueux.
Le cadre est resserré sur sa tête.
Elle a des cornes et d’autres « tiges » qui peuvent correspondre à des expansions osseuses.
Sur la partie gauche, un visage terrifié est incrusté.
Sur la droite, des crânes déformés.
Un pic avec deux crânes sculptés sort de sa tête. On peut donc se demander si elle est morte ou si elle est en train de mourir.
Pour essayer de trouver une réponse, on peut s’intéresser à ses yeux. Mais cet élément apporte au contraire de nouvelles questions.
La moitié basse de ses yeux est dans la clarté, l’autre moitié dans l’obscurité et la lumière apparait au fond de son regard. Elle est peut-être en train de mourir et la lumière est peut-être en train de s’éteindre.
Mais l’irréalité de ces yeux couplé à l’apparence extraordinaire de la femme peut évoquer une divinité. Son regard étrange peut donc aussi signifier la vision d’une réalité supérieure, une perception omnisciente.
Au-dessus du pic se trouvent encore des crânes dans différentes positions.
Et le dernier élément : le serpent sur son front.
Il peut s’agir d’un autre composant négatif de son apparence.
Mais vu sa disposition et sa luminosité, il apparait comme le symbole de la femme ou comme un talisman protecteur.
La femme est donc un mélange d’humain et de monstre, de lumière et d’ombre, de vivant et de mort.
Giger a peut-être voulu représenté l’état psychologique de sa femme.
Les « branches » qui sortent de sa tête et vont dans tous les sens peuvent représenter la folie gagnant du terrain.
Les symboles mortuaires peuvent symboliser l’obsession de sa femme : la destruction de soi et donc le suicide. (A l’époque de cette peinture, Li n’est pas encore morte, je fais donc une analyse a posteriori. Mais elle avait déjà fait une dépression et j’imagine qu’elle avait déjà parlé de suicide.)
Giger a peut-être matérialisé l’état psychologique de Li à travers la tête figée et terrifiée. Ou alors c’est peut-être l’expression quotidienne de la jeune femme.
Mais cette représentation peut aussi démontrer les peurs de l’artiste.
Les crânes et les excroissances osseuses montreraient les craintes de Giger vis-à-vis de la folie de sa femme et de ses intentions de mettre fin à ses jours.
Mais il n’a pas juste montré ses peurs, il les a cristallisées.
Si le visage incrusté représente bien Li lors de sa dépression, en le mettant comme ornement du visage principal, Giger permet une comparaison entre la réalité et la peinture.
Grâce à la peinture il a transcendé sa femme.
Craignant sa mort, il l’a transformée en une divinité infernale. D’humaine, elle est passée à déesse et donc de mortelle à immortelle.
La folie qui l’envahit de plus en plus et qui la conduit doucement vers la mort n’en fait pas un être horrible ou amoindri.
Au contraire, elle fait d’elle un être suprême, une divinité infernale.
Conclusion
La peinture de HR Giger se concentre donc autour de 4 thèmes :
- La sexualité (qui mêle monstruosité, où le sexe masculin sert à faire souffrir et tuer. Seuls les paysages érotiques ont été épargnés par ces thèmes).
- L’accouchement (qui ressemble à une scène de torture)
- Les enfants (déformés, estropiés)
- Les femmes (souffrantes et des fois soumises dans les représentations de sexualité et d’accouchement, elle est aussi la divinité infernale qui règne sur le monde biomécanique et horrifique de l’artiste).
Tous ces thèmes peuvent s’analyser à partir de la personnalité de Giger. Lui-même le sait puisqu’il s’est intéressé à Freud et a fait une série de dessins intitulée Festin pour le Psychiatre.
Mais à travers toutes ces peintures, Giger a surtout créé un univers futuriste avec ces monstres, ces machines, ces habitants et ces divinités.
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