Comment regarder un tableau (4/6) -
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Comment regarder un tableau (4/6)

retable de boulbon le christ de douleur, saint agricol et un donateur

Comment regarder un tableau (4/6)

Note : Cet article est une relecture du livre Comment regarder un tableau de Françoise Barbe-Gall paru aux Editions du Chêne, Hachette Livre, en 2008.

1)  Le Retable de Boulbon, d’un peintre provençal

 

 

retzble de boulbon le christ de douleur, saint agricol et un donateur

 

Le Christ est au centre du tableau. Il est sorti du tombeau. Il est donc ressuscité mais on dirait qu’il souffre encore. On voit les plaies sur la côte droite et les mains avec du sang. Ses mains sont une au-dessus de l’autre. Ce sont elles qui donnent cette impression de souffrance.

 

D’ailleurs tout ce qui est à la gauche de Jésus rappelle la Passion. Il y a le panneau au-dessus de son auréole sur lequel était écrit roi des juifs, les clous, l’éponge, le fouet qui servait à le flageller, la lance qui a percé sa côte, la colonne et les cordes qui ont servi à l’attacher. Les objets rappellent donc toutes les étapes de la Passion, pour revenir à l’étape finale : la résurrection. Ces objets rappellent les douleurs qu’il a ressenties. Même après sa mort il souffre encore.

 

A sa droite, c’est la croyance en Jésus fils de Dieu. Celui-ci est présent en haut du tableau et il regarde son fils. Une colombe est entre les deux et relie leur bouche. Il s’agit de la Trinité : le Père, le Fils, et le Saint-Esprit.

 

Il y a ensuite deux humains. Saint Agricol, père de l’église qui recevait ce retable et Jean de Montanac, le donneur. Ce dernier est à genou et regarde le Christ. Cela montre sa croyance en la trinité. Il le prie, il dit : « sauveur du monde, aie pitié de moi ». Le Saint, en tenue d’évêque, debout, a une main sur la tête de Jean. On dirait un geste pour le rassurer : ton attitude est la bonne, Jésus est bien le fils de Dieu. Le tableau fait comprendre que le sacrifice de Jésus pour l’humanité et la trinité sont des principes fondamentaux de l’église catholique. Le fait que le père dise « c’est notre foi » confirme cela.

 

Le peintre a laissé une fenêtre sur l’extérieur. Cela peut signifier que pendant que le Christ souffrait et pendant le miracle de la résurrection, la vie continuait. Les gens situés sur le tableau près du manteau rouge, et dans l’espace près de la scène qui se déroule sont indifférents, ça ne les touche pas. Cela peut aussi dire que si nous ne supportons pas ce que nous voyons nous pouvons retourner au quotidien en l’oubliant.

 

Il faut savoir que ce tableau se trouvait derrière l’autel. En le regardant, le croyant se rappelle de ce qu’à endurer le Christ et il ressent une partie de cette souffrance. Il prend alors vraiment conscience de la bonté de Jésus. L’eucharistie prend tout son sens. Ce n’est plus la célébration d’une chose abstraite par rapport à un événement qui s’est passé il y a longtemps. C’est la cérémonie de quelque chose de présent, le tableau est devant nous. Notre attitude devient active car nous revoyons toutes les étapes de la Passion et les souffrances du Christ. Le rappel de son sacrifice prend alors tout son sens.

 

Que faut-il retenir ?

 

– Les émotions. Qu’est-ce qui se dégage du tableau et comment ?

– Les objets. Quelle est leur signification ?

– Le décor. Y en a-t-il un et pourquoi ?

2) Le Portement de Croix, Pieter Brugel le Vieux ou l’Ancien

 

 

le portement de croix brugel le vieux ou l'ancien

 

Quand on regarde le tableau, on part dans toutes les directions. Il y a beaucoup de personnes et elles font des activités différentes. Il y en a un qui courent vers la droite, d’autres partent vers la gauche, d’autres font on ne sait quoi, il y en a qui regardent d’autres personnages et d’autres qui sont assis. Au bout d’un moment on s’aperçoit qu’au centre et au fond les personnages à cheval et à pied font un arc de cercle pour aller au fond de la scène à droite là où du monde est déjà regroupé en cercle.

 

Ce cercle montre donc que le tableau est organisé. Nous revenons alors au premier plan pour l’analyser au fur et à mesure. Des personnes sont plus grandes que les autres. Elles ne regardent pas ce qu’ils se passent. Mais comme ce n’est pas la première scène religieuse que nous voyons, nous les reconnaissons. Celle avec un voile bleu c’est Marie, l’homme à côté c’est l’apôtre Jean qui est là pour la soutenir et il y a deux femmes qui accompagnent dont celle la plus à droite est Madeleine. Une prie tandis que l’autre pleure. D’habitude leur présence et leur attitude se retrouvent dans les tableaux où on détache Jésus de la Croix. Mais il n’est pas au milieu d’eux. Le premier plan annonce ce qu’il va se passer : la mort de Jésus.

 

Mais le Christ au fait où est-il ? Ce n’est qu’au bout d’un certain moment qu’on l’aperçoit. Il s’est effondré sous le poids de sa croix. Il est au centre de la composition et pourtant on ne le voit pas tout de suite. La multiplicité d’actions nous détourne du centre. Il est aussi représenté en petit.

 

Pourquoi le peintre a-t-il décidé de le représenté ainsi. Le sujet du tableau est dissimulé. Le spectateur s’attarde sur différents points du tableau avant de découvrir le thème principal.

 

Le sujet apparait au milieu du quotidien de l’époque. Tout le monde n’est pas intéressé par cet événement. Certains se détournent. Ils font leurs tâches habituelles. Le tableau montre la scène telle qu’elle a dû se passer. Elle est réaliste. Le tableau n’est pas focalisé sur le Christ. Il replace cet événement dans son contexte en montrant une vue éloignée.

 

Cette scène montre ce qui est en train de se passer. Mais elle fait aussi transparaitre ce qu’il y a eu avant. Des gens sont encore en train de monter le chemin à gauche. Cela peut rappeler tout ce que Jésus a vécu avant d’en arriver là. Mais on voit aussi son futur proche. Le centre fait par les personnes montre sa destination. Sa croix va être plantée au centre et il sera crucifié dessus.

Le chemin que suit le christ et la liaison entre les événements passés, présents, futurs, sont matérialisés par les cavaliers en rouge.

 

Le décor a aussi une importance symbolique. A gauche le ciel est légèrement nuageux tandis qu’à droite il se couvre, on dirait qu’une tempête se prépare.

Puis je trouve que les nuages de droite forment un cercle mais qui laisse voir le bleu du ciel. Ce cercle est mis en évidence par la couleur sombre des nuages. Ils se démarquent des autres. Leur présence sur le bord en haut du tableau montre qu’il ne s’agit pas d’un arc mais bien d’un cercle. Cela fait alors écho au cercle fait par les hommes. Cela montre les deux natures du Christ : à la fois humaine et divine.

 

Le moulin aussi est important. On dirait que c’est lui qui sépare ce qu’il y a eu avant de ce qu’il va y avoir. Il sépare le ciel de gauche et celui de droite. Le chemin de la Passion fait un arc autour de lui. Il est dirigé vers le lieu de la crucifixion. Il fait penser au pain qui symbolise le corps du Christ. Et s’il est placé aussi haut dans la composition c’est peut-être pour montrer que son corps humain va s’élever au divin. Il fait la liaison entre les deux mondes.

 

Et les oiseaux ? Il s’agit de corbeaux. C’est un signe de plus pour montrer ce qu’il va se passer : Jésus va mourir. Mais si un d’eux est posé, deux autres vols. Et vu la position qu’ils ont l’un par rapport à l’autre, on peut y imaginer qu’ils font des cercles, juste en-dessous de celui fait par les nuages.

Leur présence rappelle celle des colombes.

 

La signification semble claire. Jésus est le fils de Dieu et il va être crucifié. Des gens suivent l’événement, d’autres affichent leur douleur, d’autres s’en détournent. Libre à nous de choisir l’attitude à adopter.

 

Mais cette signification change si on replace l’œuvre dans son contexte. Le paysage est flamand et le spectateur de cette époque identifie les soldats en rouge comme appartenant aux armées espagnoles. Ainsi transparait un thème d’actualité, c’est le temps de la répression des protestants. C’est un moment de terreur.

 

Ainsi les dogmes religieux sont remis en question. C’est pourquoi le peintre décide de ne pas imposer une « vision unique et autoritaire ». C’est au spectateur de regarder le tableau et de le comprendre selon ses opinions et ses croyances.

 

Que faut-il retenir ?

 

– La vue. Le tableau est-il centré sur le sujet ou le montre-t-il dans un ensemble ? Pourquoi ?

– Le temps. A-t-on des indices sur ce qui s’est passé et ce qu’il va se passer ?

– L’action. Y en a t’il une ou plusieurs ?

– Les personnages. Est-ce qu’on en reconnait certains ? Sont-ils représentés comme ils le sont habituellement ?

– Le décor. A-t-il une fonction symbolique ?

– Le contexte. Permet-il de voir une autre signification ?

 

3) Le pèlerinage à l’île de Cythère, Jean-Antoine Watteau

 

 

pèlerinage à l'île de cythère watteau

 

Etudions le décor. Au premier plan il est net. Même si nous ne voyons pas précisément les feuilles de l’arbre situé à droite, le lieu est clair. Un arbre à droite, une montagne à gauche, entre les deux un bout de terre recouvert de vert. Il y a ensuite un cours d’eau qui nous entraine au fond du tableau. Plus on s’éloigne, plus le paysage perd en précision. La montagne du fond est à peine apparente. Le vert est moins vif. Le ciel est composé de délicats nuages, on dirait de la vapeur. Le paysage a une dimension onirique. Les personnages vont prendre le bateau pour aller dans un endroit parfait, merveilleux.

 

Attendez. Qu’est-ce qu’il y a devant à droite ? Un buste de Vénus. Ah alors ils n’y vont pas, ils y sont et ils repartent. C’est l’île de Vénus. Les pèlerins sont venus rendre un culte à cette déesse. Les couples se succèdent entre la statue et le bateau. Leur attitude change par rapport à leur distance à Vénus. Dans le couple le plus proche, l’homme vient juste de commencer sa cour. La femme l’écoute. Dans celui d’après, c’est bon il a réussi à la séduire, ils vont s’en aller ensemble, il l’aide à se relever. Dans celui d’après, ils repartent côte à côte, mais la femme regarde en arrière. Que signifie ce regard ? Peut-être de la nostalgie. Elle se rappelle quand elle se faisait courtisait.

 

Les vêtements et l’attitude des personnages fait penser aux gens de la cours et aux règles de la galanterie.

 

Le tableau est un hommage à l’amour. L’amour est partout victorieux. Le bateau en forme de lit en baldaquin montre d’ailleurs que les attentes vont être comblées.

 

Que faut-il retenir ?

 

– Le décor. Est-il net ou flou? Pourquoi?

– Les attitudes des personnages. Montrent-elles une évolution?

 

4) Dans le Parc de Château noir, Cézanne

 

 

dans le parc de chateau noir cézanne

 

D’emblée nous constatons que le peintre n’a pas essayé d’imiter la nature. Son but n’était pas de représenter à la perfection chaque feuille et chaque pierre.

Nous voyons une nature transformée par le tempérament, par la sensibilité, de l’artiste.

 

Il représente la nature non pas telle qu’elle est mais comme il la voit.

 

Il ne peut pas représenter le détail parce que c’est trop loin ou trop près, du coup ça ressemble plus à une masse de couleur comme pour les feuilles.

 

Les couleurs sont appliquées par touche. Cela dépend de ce qu’il voit mais aussi du temps qu’il fait et qui change au fur et à mesure de sa peinture. Il n’y a que peu de traits de noirs. Ils servent à reconnaître les troncs et les pierres mais ils sont fins, ils semblent délimiter des parties de couleur.

Prenons le bloc de pierre à droite. S’il n’y avait pas ces traits cela aurait pu être une seule et même pierre.

Et encore les traits ne sont pas toujours utilisés, le peintre se sert aussi de l’ombre pour séparer les éléments et donner un peu de relief.

 

Le tableau est donc surtout composé de couleurs. Le noir sert juste à délimiter certains éléments.

 

Cette peinture n’a pas d’autres buts que de nous montrer ce que voit le peintre. Elle ne cache pas de signification. Le spectateur se contente d’admirer la technique. Et peut être que la prochaine fois qu’il sera dans la nature il la verra différemment. Il s’apercevra peut-être que quand on regarde la nature on ne la voit pas précisément, on ne voit que des tâches de couleurs et de lumière.

 

Que faut-il retenir ?

 

– La technique. Le peintre utilise une technique particulière pour représenter la nature. Lorsqu’un artiste représente un paysage il ne s’agit pas d’une imitation mais d’une création. Il la représente comme il la voit. Le spectateur n’a plus qu’à étudier le tableau, pour comprendre la vision du peintre.

5) Femme à la guitare, Georges Braque

 

 

femme à la guitare braque

 

Avec ce genre d’œuvre, il faut regarder un certain temps avant de comprendre le titre.

 

Une femme. Effectivement on la voit. Deux rectangles forment son visage. Son nez et son menton sont suggérés par l’angle de ces rectangles. On aperçoit ses yeux fermés, sa bouche, ses cheveux, son cou et sa main gauche.

D’ailleurs que tient cette main ? Notre esprit nous incite à répondre la guitare mais nos yeux disent un trapèze. Ses doigts ne touchent pas les cordes et ne sont pas dans la partie marron, elles tiennent un angle.

 

Je trouve cela intéressant. Cette œuvre joue entre la logique et les sens par son pouvoir de suggestion. Quand nous regardons cette main nous raisonnons ainsi : Dans la réalité cette main serait le manche d’une guitare. D’ailleurs le titre parle de cet instrument et nous le voyons au-dessus de la main. Donc elle tient bien le manche de la guitare. Mais pour nos yeux elle tient un angle. Mais ce raisonnement est dû à une volonté de donner un sens, de donner une logique en recomposant ce qui serait dans la réalité. Il y a donc un conflit entre la logique et la vue.

 

La masse noire peut représenter un fauteuil. La distinction entre le dossier et le siège se fait là où les formes de même couleur que la femme recouvrent la partie noire.

 

Et cette guitare ? Un trapèze marron, cinq traits pour les cordes, deux ronds l’un plus effacé que l’autre et hop dans notre esprit on voit une guitare. A partir des éléments essentiels nous reformons l’instrument entier.

 

La couleur marron nous fait penser à du bois. D’ailleurs nous la retrouvons en haut du tableau. Mais celui-ci ressemble à un papier qu’on a déchiré. On voit un demi-cercle et quelques traits verticaux, ce qui rappelle la guitare. Mais pourquoi avoir mis ça là ? Je n’ai pas la réponse.

 

Mais ce papier déchiré appelle d’autres éléments comme le titre de journal et la partition où il est écrit « SO ATE ». Cela fait penser à des bouts de papier découpés et collés sur le tableau.

 

D’ailleurs qu’est-ce qui est écrit ? So ate. On peut reconstituer le mot : sonate. Et sur le journal, on dirait que le mot n’est pas complet. On voit juste rêve. En cherchant un peu, on recompose le mot : réveil. Le peintre fait donc un jeu de mot mais qui permet de comprendre son tableau.

 

La femme ferme les yeux. Alors elle ne joue pas, elle dort. Non, elle vient de fermer les yeux elle n’est plus dans la réalité mais elle n’est pas encore dans le rêve.

 

Ces formes, ces représentations, elles ne correspondent pas à la réalité, elles font partie de l’imaginaire du peintre. Et pourtant moi qui regarde, qui suis bien réveillé, j’arrive à voir ce que ça représente même si je ne comprends pas tout. Tout à l’heure on parlait de conflit entre la logique et la vue. C’est parce que nous parvenons à rattacher certaines formes au réel mais pas tout. Le titre présente une scène de la réalité mais sa représentation s’éloigne de cette réalité. Ainsi on est dans la réalité sans totalement y être. On est bien entre le rêve et le réveil.

 

Que faut-il retenir?

– Décoder ce que l’on arrive à reconnaitre.

– Voir si les éléments reconnaissables sont composés de formes géométriques ou peint dans ces formes.

– Voir si des éléments se font écho.

– Se demander ce que l’on voit vraiment. C’est le problème de la main qui tient la guitare ou l’angle.

 

 

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