01 Juin Histoire de la critique en peinture
Partie I : critique de la peinture au 17e et 18e siècle
La critique au XVIIe siècle
Certains datent la naissance de la critique d’art en France en1666, année qui correspond aux premiers Entretiens de Félibien. Ce texte insère des réflexions sur la peinture française, notamment avec Poussin, sur les peintres italiens et plus généralement sur la peinture européenne. Les seuls peintres dont il ne parle pas sont ceux encore vivants au moment où il écrit.
Roger de Piles parle également de la peinture et il participe à la querelle du dessin et du coloris. (Cette querelle consiste à savoir lequel est supérieur à l’autre).
Mais les écrits de ces deux auteurs mêlent l’histoire et la théorie. Il n’y a pas de critique comme on l’entend aujourd’hui. Celle-ci reste orale.
La grande création du XVIIe siècle qui a révolutionné la peinture en France et qui a eu de nombreuses conséquences notamment l’apparition de la critique d’art, c’est l’Académie royale de peinture et de sculpture. C’est pourquoi nous allons l’étudier tout de suite.
L’Académie de peinture et de sculpture
Pourquoi créer une Académie de peinture et de sculpture ?
Pour comprendre ce qui a motivé la création de cette institution, il faut s’intéresser à la condition des peintres.
Avant l’Académie le terme « artiste » n’existe pas. On ne le distingue pas de l’artisan. Si la distinction pouvait se faire dans l’esprit des gens, la différence n’existait pas d’un point de vue légal. Le peintre était assujetti aux mêmes règles que le vitrier. Le peintre exerçant sans la maîtrise est en proie à des procès. (La maîtrise désigne la dernière étape du compagnonnage. Le compagnon doit présenter une œuvre prouvant qu’il a acquis le savoir-faire nécessaire pour exercer le métier à un jury.)
Les artistes les plus talentueux se tournent donc vers la royauté pour demander une protection. Ils obtiendront la création de l’Académie de peinture et de sculpture, réservée uniquement à l’étude de l’art et qui les protège de l’absence de maîtrise.
L’académie est donc née d’une volonté de reconnaissance et c’est ce qu’elle fait en accordant un statut social à ceux qu’on appellera plus tard artiste.
Mais ce n’est évidemment pas le seul but.
Elle sert aussi à promouvoir la peinture française, à exposer le talent de nos artistes aux yeux des autres pays.
L’Académie montre donc indirectement la puissance de la monarchie française. Cela se fait par le rayonnement culturel, mais aussi par l’exposition de nombreux tableaux représentant le roi.
Création de l’Académie royale et conflits avec l’Académie de Saint-Luc
L’Académie est créée le 1e février 1648. Douze anciens sont choisis. Ils ont pour but de diriger l’école, chacun pendant un mois. Les rangs sont décidés au sort et Le Brun est le premier à directeur de l’Académie. Les artistes donnent alors de leur temps et de leur argent, notamment monsieur de Charmois qui est celui qui a proposé le projet de création de l’Académie à la cour du roi et qui pour cela a été nommé chef perpétuel de la compagnie.
Il s’occupe aussi d’installer ses camarades dans une maison offerte par un de ses amis. Mais celle-ci n’est pas assez grande pour accueillir les personnes qui voulaient assister aux séances. Ils déménagent donc à l’hôtel de Clisson.
Puis de 1650 à 1661, l’Académie réside au Louvre.
A partir de 1661 jusqu’en 1692, au Palais Royal
De 1692 jusqu’en 1793, de nouveau au Louvre.
(Elle siège ensuite au Collège des Quatre Nations et enfin, à partir de 1829 à l’emplacement de l’ancien couvent des Petits Augustins)
La grande nouveauté de l’Académie qui la rend attractive, c’est l’enseignement d’après le naturel, c’est-à-dire à partir d’un modèle vivant.
Sachant que cela se faisait en Italie et pas en France, les français attribuaient la grandeur de la peinture italienne au dessin à partir du modèle vivant.
Mais à cause de problème d’argent, l’Académie perd de nombreux élèves et même des professeurs.
La Maîtrise vit là un moyen de se venger en créant leur propre académie. Pour cela il fallait de l’argent et des personnes connues. De l’argent ils en avaient et pour les noms prestigieux, ils recrutèrent les anciens enseignants de l’académie de peinture.
L’Académie de Saint-Luc fut ainsi créée.
Cette Académie reprit les principes de l’autre en les mettant à un niveau supérieur. Il n’avait pas un président mais un prince : Simon Vouet. Ils n’avaient pas douze anciens mais vingt-quatre. Ils n’avaient pas un modèle mais deux. Et surtout ils dispensaient les cours gratuitement alors que dans l’autre académie c’était payant.
Pendant sept ou huit jours, Vouet fit la leçon et s’occupait de donner la pose aux modèles. Après il en eut assez et demanda à ses collègues de faire les séances à sa place. Les élèves supportèrent mal cet abandon et beaucoup quittèrent l’établissement.
Si l’Académie royale de peinture ne s’effondre pas c’est grâce à un homme : Louis Testelin. Il assuma à lui seul les dépenses. Puis quand l’un des douze anciens meurt, il est élu à la place. Très vite après son élection il est chargé de la direction. Il continue donc de payer les dépenses avec son argent, et il fait cours tous les soirs avec la même volonté et la même intensité peu importe le nombre d’élèves. D’après les règles établies, il ne devait occuper cette fonction qu’un mois, mais face à l’absence de son successeur il reste plus longtemps à ce poste.
L’attention qu’il met ramène beaucoup d’élèves déçus de l’Académie de Saint-Luc. Après le départ de Vouet, les maîtres négligent les cours. A tel point qu’ils laissent les élèves s’occuper de la pose des modèles et ils ne corrigent plus leurs dessins.
L’Académie royale retrouve donc sa supériorité.
Mais les deux Académies finirent par s’unir par contrat après de nombreuses querelles.
Mais l’apogée de l’Académie royale est due à deux faits : l’obtention du monopole de l’enseignement d’après le modèle vivant et l’obtention de protecteur.
Si à partir de 1655 Mazarin est le premier grand protecteur de l’Académie, c’est surtout son successeur Colbert qui contribue à la grandeur de cette institution. Il s’appuie notamment sur Le Brun qui devient premier peintre du roi en 1664.
Pour pousser les étudiants à se dépasser des prix sont de temps en temps proposés, et chaque année quelques uns sont sélectionnés pour aller en Italie afin de perfectionner leur art.
Colbert commence par augmenter la pension de l’Académie. Il oblige les professeurs à faire cours chaque jour, à donner la pose au modèle, à corriger les élèves et à présenter des dessins pour servir d’exemple. Il insiste également pour que le professeur du mois fasse un commentaire d’un tableau du cabinet du roi. Ce commentaire laisse ensuite place au débat. Tout cela est ensuite reporté à l’écrit. C’est ce qui donne Les conférences de l’Académie Royale de peinture et de sculpture pendant l’année 1667.
Il demande aussi à ce que les Académiciens exposent leurs travaux. Cela donne lieu aux Salons dont le premier date de 1667.
L’Académie Royale de peinture et la critique d’art
Faire la présentation de l’Académie était nécessaire car c’est grâce à elle que la critique d’art nait en France.
Un éveil critique se fait au sein des conférences de l’Académie, lorsque le maître commente une peinture et par rapport au débat qui suit.
Mais la critique apparait vraiment avec les expositions de l’Académie.
Ses statuts prévoient que chaque académicien doit présenter un tableau.
Si la première exposition (en 1655) est privée elles deviennent publiques à partir de 1667. Elles sont également gratuites.
A partir de 1725 elles se font dans le Salon Carré du Louvre. C’est le nom de cette salle qui a donné le terme de Salon pour désigner l’exposition des œuvres de l’Académie.
Mais à quoi ressemblent ces expositions ?
Dans un musée, vous voyez ces beaux cadres qui entourent les tableaux ? L’espace qu’il y a entre chacun d’eux ? L’éclairage qui les met en valeur ? Et bien à l’époque c’est tout l’inverse.
On peut voir que ces expositions attirent de plus en plus de monde grâce aux livrets que vend l’Académie. (Il s’agit de catalogue d’exposition).
Ces expositions servent à montrer le talent des artistes français mais aussi à vendre les tableaux. Les Salons font donc naitre un marché de l’art.
Une exposition qui attire du monde, un marché de l’art, les conditions sont réunies pour l’apparition de la critique.
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