14 Fév J’analyse les peintures digitales d’Anton Semenov
Anton Semenov
Anton Semenov, aussi connu sous le nom de Gloom 82, est reconnu comme un artiste du digital painting. En parallèle à cette passion il travaille en tant qu’illustrateur.
Il est né et vit encore à Bratsk en Russie.
Pour en connaitre plus sur sa vie, son processus créatif et les logiciels qu’il utilise, voici son interview la plus complète que j’ai trouvée. (Elle est en anglais mais si vous avez du mal à comprendre, utiliser la traduction de Google 😎 )
L’atmosphère horrifique de ce tableau laisse supposer que la femme évoquée dans titre est décédée.
Le personnage que nous voyons est peut-être son mari.
Il tient un bouquet de fleurs qu’il a prévu d’offrir à sa femme. Les fleurs fanées indiquent que sa femme est morte depuis un certain temps. Mais il est resté accroché à ce bouquet comme si le temps s’était arrêté à la mort de son épouse.
Mais malgré cet événement tragique le temps à continué. C’est pour cela que les fleurs ont flétri et que le personnage ressemble à un vieillard (il est marqué, il a perdu des cheveux et ceux qui lui restent sont blancs)
Here she commes again … Ici elle vient encore …
Le titre indique que malgré sa mort, la femme apparaît encore dans un certain lieu. Mais où ?
La position allongée du personnage évoque 2 possibilités :
- La première, c’est dans le sommeil.
Peut-être qu’elle hante ses rêves. Mais ce n’est plus elle. La mort a transformé son amante en monstre. Il rêve de sa femme mais celle-ci n’est plus qu’un cauchemar.
- La seconde, c’est dans la mort.
Le mari s’est suicidé dans l’espoir de la retrouver dans l’au-delà. Son absence de sourire exprime le désespoir qu’il ressent depuis la mort de sa femme. Peut-être que son bonheur réapparaîtra dans l’autre-monde. En tout cas ses yeux vident indiquent à la fois une absence de joie et de vie.
ça y est. Lui aussi a mis fin à ses jours.
Mais, malgré tous ses espoirs, il ne retrouve pas sa femme. A la place , il trouve cette chose abominable.
A la mort de sa femme il s’est donc retrouvé dans le désespoir le plus total. Mais il est resté amoureux et quand il essaye de la retrouver ses efforts sont vains puisque sa femme est remplacée par l’horreur.
Yearning
Le personnage est assis sur une petite chaise en bois. Il est correctement habillé et sa posture exprime la timidité (si on excepte la tête).
Mais, même sans faire attention à sa tête, des éléments montre la folie du personnage.
Sa posture qui peut d’abord faire penser à de la timidité, montre surtout la rigidité :
– Ses jambes et ses pieds sont collés
– Ses mains sont crispées et sur ses genoux
Le personnage est en train de lutter contre ses pulsions.
Et que penser des vêtements ?
Le manteau, le pantalon et les chaussures ont une multitude de plis.
Ces plis expriment peut-être les tensions du corps et donc les tourments de l’âme.
Son cou possède aussi des plis. Il est tordu à l’extrême.
Dans la réalité, dans une telle position l’homme serait mort. Mais là, la torsion sert à montrer le dérangement mental du personnage.
L’homme est enfermé depuis longtemps dans ce lieu sombre qui l’empêche de voir la lumière du jour.
Ce lieu est tellement obscur que même les vêtements du personnage se sont ternis. Le marron de la veste et le bleu-vert du pantalon sont devenus des couleurs fades.
L’atmosphère de la cellule a donc imprégné le personnage.
A moins que ce ne soit l’inverse ?
Ce lieu correspond peut-être à la projection de sa personnalité.
La scène se passe peut-être dans une prison.
Le personnage n’a plus de lacet. Les gardiens ont dû les lui enlever au moment de son incarcération pour ne pas qu’il se suicide.
Mais il porte encore ses habits au lieu de l’uniforme des prisonniers.
Quelqu’un a peut-être voulu se venger de lui et l’a jeté dans ce cachot.
Tout le mur est recouvert par des séries de 7 bâtons qui sont barrés. Cet homme les a tracés pour savoir depuis combien de semaines il est enfermé.
Des lignes blanches sont visibles. L’homme a peut-être griffé le mur lors de ses crises. Il a peut-être fait ça pour essayer de sortir avec les seuls éléments à sa disposition : ses mains.
Ces traces me rappellent celles découvertes à l’intérieur des tombes de personnes enterrées vivantes.
Mais le cadre du tableau renforce encore l’idée d’enfermement :
– Il ne montre pas la totalité de la pièce
– Il ne montre pas de fenêtre ni de barreau
Intéressons-nous maintenant à sa tête.
Déjà, elle est monstrueuse. Et comme si ça ne suffisait pas, la gueule d’un loup enragé sort de sa bouche et une rose sort de sa gueule.
Cette représentation a 2 buts :
– Montrer la folie du personnage.
Cette image irréelle choque. Elle nous oblige à considérer le personnage comme un être anormal et monstrueux.
– Faire comprendre la raison de son emprisonnement.
Cette imbrication étrange devient intéressante si on la considère comme une succession de métaphores.
Le loup représente les pulsions bestiales de l’homme. Mais là le loup est enragé, il symbolise donc les penchants criminels de l’homme.
La rose pourrait correspondre à la beauté et la pureté.
Pour moi le loup féroce avec une rose dans la gueule signifie que l’homme a violé une fille.
Un loup qui mange quelque chose fait immédiatement penser au Petit Chaperon Rouge. Même si ce conte a l’air tout mignon … il symbolise la pédophilie.
Là c’est la même chose.
Puis la rose tenue dans la gueule du loup rappelle la défloration qui vient du latin deflorare et qui signifie « prendre la fleur ».
Il reste l’os à analyser.
Etant situé à côté de l’homme, du côté où il ouvre la bouche, on dirait qu’il a été recraché par le loup. Cela montrerait que la fleur représente bien un humain.
Il peut aussi signifier qu’en plus d’avoir violé la fille il l’a aussi tuée.
Notes de Marion : Pour moi les vêtements sont intéressants à observer mais pas rapport aux plis. Il faut considérer leur aspect vieillot et usé qu’il faut relier au mur rempli de semaines barrées. Cela signifie que l’homme est enfermé depuis longtemps.
Puis l’os indique qu’il n’en ressortira que lorsqu’il sera mort.
Indian – Man – Miss
Il s’agit de 3 peintures séparées mais leur ressemblance esthétique permet de les rapprocher.
Ce qui est incroyable c’est la simplicité à comprendre le message transmis par Anton Semenov :
Chaque interdit, qu’il soit dû au contexte religieux, social ou professionnel, crée un désir secret qui ne peut être assouvi ce qui se traduit par de la frustration.
Les personnages ont la bouche grande ouverte, ce qui montre la puissance de leur cri de fureur et ce qui laisse la place de mettre leurs désirs secrets.
Le cri de l’indien s’oppose au sourire de celui qui est dans sa bouche. Celui-ci rêve de manger de la viande et ce désir est exacerbé par son impossibilité.
Il mange donc cet aliment en grande quantité et de toutes les manières possibles : en brochette, en rôtie et même cru.
C’est la même chose pour Miss Beauty. On retrouve le sourire qui contraste avec le cri et on retrouve l’idée d’excès avec la grande quantité et la diversité des bonbons qu’elle rêve de manger.
La peinture du milieu – The Man – est encore plus intéressante.
La chemise et la cravate indiquent qu’il s’agit d’un employé lambda qui doit suivre la routine du métro-boulot-dodo. Il travaille pour mettre de l’argent de côté ou pour s’acheter les biens qu’il veut et pour pouvoir partir en vacance. On imagine aussi facilement qu’il a une femme avec qui il est marié depuis un moment et des enfants. C’est le citoyen parfaitement intégré à la société.
Mais lui il en a assez ! Il n’en veut plus de sa petite cigarette, il veut le gros cigare. Il en a marre de trimer pour gagner des sous, il veut les obtenir en jouant. Il n’en peut plus de sa femme, il veut assouvir ses besoins charnels (comme les traces de rouge à lèvre l’indiquent).
Il y a donc une opposition entre ce qu’il fait et qu’il rêve de faire.
Mais ce n’est pas tout.
Le mini-lui n’a pas de sourire mais une tête de voyou. D’ailleurs jouer au poker en fumant de gros cigares avec une ou des femmes qui s’occupent de lui à proximité fait penser à un lieu peu fréquentable. C’est l’ambiance mafia et bar clandestin.
Il veut donc arrêter d’être ce bon mari et ce bon employé, cet être parfaitement normal et intégré socialement.
Il rêve aussi d’être ce mauvais garçon qui trouve son plaisir dans le vice.
Il y a donc aussi une opposition sur ce qu’il est.
Mirror of Destiny
C’est ma peinture préférée d’Anton Semenov.
Pourquoi ?
D’abord parce j’aime cet atmosphère fantastique qui fait travailler l’imagination.
S’agit’il d’une autre planète ? L’apparence de cet être correspond-elle à celle des humains dans le futur ?
Quel est ce bâtiment derrière ? Il fait penser à certaines maisons orientales en briques.
L’Orient à longtemps servi de décors aux histoires fantastiques. Quand on savait peu de choses sur ce lieu, il était facile d’inventer des histoires vraisemblables comprenant des éléments surnaturels.
Je ne sais pas si Anton Semenov s’est inspiré de l’architecture orientale pour ce bâtiment. Mais ce qui est sûr c’est que l’artiste a donné une forme étrange à cette bâtisse pour créer une atmosphère mystérieuse.
Puis, il agit comme un écran qui m’empêche de voir au-delà de la scène et en même temps il me laisse une ouverture.
Mais cette fenêtre (si c’en est bien une) est vue légèrement de biais et se trouve en hauteur. Je suis donc confronté à l’obscurité et je ne peux pas voir ce qu’il se passe à l’intérieur du bâtiment. Encore une énigme.
Finalement j’adore cette oeuvre pour le jeu avec le miroir.
Tout les éléments du tableau nous forcent à le regarder :
- La perspective du support en pierre nous conduit jusqu’à lui
- Le contraste des couleurs : la majorité de la scène est composée de nuances de gris. Le contour du miroir est légèrement doré, ce qui crée un contraste avec le reste de la scène. Puis, l’intérieur contient du noir et du blanc. La juxtaposition de ces deux opposés attire l’œil.
- Le contraste des formes : un ovale posé sur un rectangle
- La façon dont est tenu le miroir : L’être surnaturel le tient bien en face du spectateur.
- Le mur nous empêche de regarder ailleurs et rapproche la scène
La première fois que j’ai vu cette image, elle était en grand format et j’ignorais le titre.
Ma première réaction a été de m’approcher du miroir et je m’attendais à m’y voir.
Comme ce n’était pas le cas j’ai ri de ma naïveté : « C’est une peinture, comment veux-tu que ce miroir te reflète ? »
Mais j’ai ressenti de la frustration. Je voulais m’y voir. J’ai plongé dans l’univers de la scène mais le miroir m’a rappelé qu’il s’agit d’une fiction.
Puis je me suis intéressé à l’intérieur de cet objet.
J’ai remarqué une ressemblance de couleur entre le bas du miroir et la pierre. J’ai alors pensé qu’il montrait ce qui était en face de lui dans ce lieu fictif.
Utiliser un miroir pour montrer un espace impossible à voir est une idée géniale !
Puis j’ai fini par trouver le titre : « Mirror of Destiny »
Ce miroir montre donc votre destin à vous spectateurs qui regardez ce miroir.
Vous serez seuls, dans un lieu aride, égarés au milieu de la nuit avec votre petit flambeau.
Vous serez comme perdus dans le néant. Submergé par ce ciel noir parsemé d’étoiles créant une lumière bien plus forte que votre flamme, vous prendrez conscience que vous n’êtes rien face à l’univers.
Vous pouvez retrouver toutes les œuvres d’Anton Semenov sur sa galerie en ligne ou sur son compte Instagram qui montre aussi ses illustrations.
Vous voulez faire vos propres analyses de tableaux mais vous ne savez pas comment faire ?
Alors téléchargez cet ebook qui explique les bases pour comprendre une multitude de peintures.
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